Miscellanées bibliographiques – traitement diurétique

CLOROTIC : Hydrochlorothiazide pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque décompensée

Dans le billet sur le traitement diurétique de l’insuffisance cardiaque, je mentionnais que les études sur la place des diurétiques thiazidiques dans la prise en charge de la décongestion étaient anciennes et de petite taille. J’avais en fait raté la publication de l’étude CLOROTIC (Safety and Efficacy of the Combination of Loop with Thiazide-type Diuretics in Patients with Decompensated Heart Failure), disponible en ligne en novembre 2022 (j’avais regardé l’avancement de l’étude sur clinicaltrial.gov en septembre 2022…) et parue dans le numéro du 1er février 2023 de l’European Heart Journal. Je corrige donc ici cette lacune.

L’étude CLOROTIC est un essai institutionnel randomisé en double aveugle dont l’objectif était de déterminer si l’adjonction d’hydrochlorothiazide (HTZ) au traitement intraveineux par diurétique de l’anse améliore la décongestion chez les patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque (IC) aiguë décompensée. Tout patient hospitalisé depuis moins de 24h pour une décompensation cardiaque, quelle que que soit la cause de l’IC ou la FEVG, pouvait être inclus s’il avait déjà un traitement diurétique à domicile. Les critères d’exclusions principaux comprenait les tableaux de choc cardiogénique ou de syndrome coronarien aigu, l’hypokaliémie inférieure à 2,5 mM et l’hyponatrémie inférieure à 125 mM. Le traitement par HTZ était associé à un traitement par furosémide intraveineux. Comme l’HTZ doit atteindre la lumière du néphron pour être actif, la dose à administrer était d’autant plus importante que la fonction rénale était basse : 25 mg pour un DFG (selon MDRD) supérieur à 50 ml/min, 50 mg pour un DFG entre 20 et 50 ml/min et 100 mg pour un DFG inférieur à 20 ml/min. Ce sont des doses assez peu habituelles en pratique quotidienne cardiologique (en tout cas pour ma part), mais qu’on avait déjà vu dans CARRESS-HF, même si l’intensité du traitement était alors déterminée par le traitement diurétique habituel et non par la fonction rénale. La même dose d’HTZ (ou de placebo) devait être maintenue pendant 5 jours sauf variation de la fonction rénale. Le traitement par furosémide était protocolisé pour obtenir une homogénéité dans l’étude, avec un traitement par voie intraveineuse pendant 48 h minimum, la dose pondérale initiale par voie intraveineuse étant équivalente à celle prise à domicile par voie orale (40 mg pour 40 mg soit, in fine, un doublement de la dose en terme de biodisponibilité).

L’essai a été interrompu prématurément en raison d’inclusions trop lentes, après avoir inclus 230 patients sur les 400 prévus. Le critère composite primaire était la perte pondérale et l’amélioration de la dyspnée au troisième jour de traitement, moins robuste que celui d’ADVOR, également évalué au 3ème jour, qui était « l’obtention d’une décongestion complète ». L’adjonction d’HTZ permet une plus grande perte pondérale que le placébo (−2,3 kg vs −1,5 kg ; différence ajustée −1,14 kg ; IC95% −1,84 – −0,42 kg ; p = 0,002), sans différence sur la dyspnée. Le bénéfice en terme de décongestion ne semble pas évident si on regarde la figure S3. La diurèse est plus importante dans le groupe HTZ que le groupe placebo (1700 ml vs 1400 ml ; p = 0,05), sans modification de la perte hydrique nette (qui n’est pas un marqueur fiable de l’efficacité de la décongestion). Il n’y a pas de différence en terme de durée d’hospitalisation, et l’essai est largement sous-dimensionné pour que les analyses sur les évènements cliniques (décès, réhospitalisations) aient un sens. Enfin, les patients traités par HTZ présentent une dégradation de la fonction rénale (augmentation de la créatinine plasmatique de plus de 26 µM) dans 46% des cas (contre 17% dans le groupe placébo) et plus souvent une hypokaliémie.

Il y a plusieurs explications à la neutralité de cet essai, et en premier lieu un manque de puissance. Ensuite, les patients inclus semblent plutôt correspondre à un profil d’IC à FEVG préservée (ICFEP), alors qu’ADVOR a inclus une population d’IC à FEVG altérée (ICFEA) ou intermédiaire. Or l’ICFEP n’est pas tant caractérisée par une importante rétention hydrosodée que par des anomalies de couplage ventriculo-artériel, de capacitance veineuse et de répartition sanguine ; de sorte que le traitement diurétique à forte dose n’est pas nécessairement utile, au contraire des ICFEA congestives. Enfin, le choix de l’amélioration de la dyspnée comme critère de jugement est probablement discutable, en raison de sa mauvaise corrélation avec l’amélioration de la congestion, et des nombreux déterminants de ce symptôme, en particulier chez les patients âgés, causant probablement un phénomène compétitif avec le traitement diurétique pour juger de l’amélioration clinique.

DICTATE-AHF : place de la dapagliflozine dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque décompensée

Le mécanisme par lequel les gliflozines permettent l’amélioration du pronostic des patients n’est pas encore clairement élucidé à ce jour. L’une des hypothèses est que ce mécanisme participe d’un effet diurétique par inhibition du SGLT2, bien que le SGLT2 ne participe que pour 5% à la réabsorption sodée rénale. Je ne reviendrais pas ici sur ce sujet que vous pouvez approfondir en lisant le billet sur la physiopathologie et la pharmacologie des diurétiques. Dans EMPA-RESPONSE-AHF (randomisée en double aveugle chez 80 patients) en 2020, l’empagliflozine n’apportait pas de bénéfice dans la prise en charge de la congestion aiguë, de même que la dapagliflozine dans DAPA-RESIST (randomisée en ouvert chez 60 patients) en 2023.

L’essai DICTATE-AHF a été présenté en Hot-Line au congrès de l’ESC 2023 à Amsterdam (mais n’est à ma connaissance pas encore publié). L’objectif de l’étude était d’examiner l’efficacité et la sécurité de la dapagliflozine initiée dans les 24 heures suivant l’admission pour IC décompensée. La question de la sécurité d’une initiation précoce d’un traitement par gliflozine n’est pas anodine en raison du risque d’hypoglycémie ou d’acidose. Concernant l’efficacité, l’étude fait le grand écart entre la question de l’efficacité diurétique (et donc l’effet à court terme) et celle du bénéfice à l’initiation précoce d’un traitement de fond de l’IC (et donc un effet à moyen-long terme). Le rationnel est que les récentes études (ADVOR avec l’acétazolamide et CLOROTIC avec l’HTZ) ont démontré que les associations de diurétiques pouvaient améliorer la décongestion, sans diminution des évènements cliniques à distance de l’hospitalisation (bien que ce fût à chaque fois des critères de jugement secondaire) – j’en reparle plus bas. L’initiation précoce de la dapagliflozine pourrait apporter un bénéfice à la fois sur la décongestion et sur les évènements cliniques, puisque les gliflozines – contrairement aux diurétiques – font partie du traitement chronique de l’IC.

Il s’agit d’une étude randomisée, financée par Astra-Zenecka, en ouvert avec adjudication en aveugle des critères de sécurité, mais pas des critères d’efficacité primaire. L’absence d’aveugle est justifié pour pouvoir adapter les doses d’insuline en fonction du bras de randomisation, alors que ça n’a jamais posé de problème dans les études princeps avec les gliflozines ni dans EMPA-RESPONSE-AHF… Le critère d’évaluation principal était le changement pondéral normalisé par la dose de diurétique de l’anse (IV et oral) (kg pour 40 mg de furosémide) entre l’admission et J5 (ou la sortie de l’hôpital). Bien que semblant objectif, le poids et le changement de poids sont des critères très subjectifs, pour lesquels l’absence d’aveugle pose problème (qui ne s’est jamais repesé quand le premier poids affiché par la balance « ne semblait pas juste » ?) ; le problème est assez proche de celui de la pression artérielle qui semble être un critère de jugement pour lequel l’aveugle n’est pas nécessaire, alors que c’est tout le contraire. Sans compter le changement d’attitude dans la prescription des doses de diurétique quand on sait quel traitement prend le patient.

Pour être inclus, les patients devaient présenter une IC congestive décompensée, quelle que soit la FEVG, avec ou sans diabète, un DFG d’au moins 25 mL/min/1,73m² et recevoir un traitement par diurétique de l’anse intraveineux (ou que ce traitement soit programmé). Les principaux critères d’exclusion étaient le diabète de type 1, une pression artérielle systolique inférieure à 90 mmHg, une glycémie inférieure à 0,8 g/L, l’utilisation de traitement inotrope et des antécédents de d’acidocétose diabétique. Dans les 24 heures suivant l’admission, les patients étaient randomisés entre un traitement diurétique intraveineux protocolisé avec titration toutes les 12 à 24 heures pour obtenir une diurèse quotidienne de 3 à 5 litres (il sera intéressant de voir le protocole utilisé quand l’article et ses appendices seront publiés) ou le traitement intraveineux protocolisé associé à la dapagliflozine (10 mg une fois par jour).

Critère primaire, étude DICTATE-AHF

L’essai a inclus 238 patients (âge moyen 65 ans, 39 % des femmes). 52% de la population à une ICFEA, 70% un diabète ; le DFG moyen est de 50 ml/min/1n73m². La dose moyenne de furosémide intraveineux avant randomisation était de 80 mg. Après ajustement pour le poids de départ, il n’y a pas de différence statistiquement significative entre traitement diurétique et traitement diurétique associé à la dapagliflozine (OR 0,65 ; IC95% 0,41 – 1,01 ; p=0,06). La perte de poids est similaire dans les deux groupes (environ 4 kg), les patients du groupe dapagliflozine requérant une dose moindre de diurétique (560 mg vs 800 mg ; p=0,006). Je ne peux manquer de soulever que les comptes rendus de l’étude mentionnent que la natriurèse et la diurèse des 24 heures sont supérieures dans le groupe dapagliflozine, oubliant de dire que ce sont la natriurèse et la diurèse pour 40 mg de furosémide, et non les natriurèse ou diurèse totales. Ce n’est pas anodin, puisque c’est le total excrété qui compte, peu importe la dose donnée pour y arriver. L’adjonction de dapagliflozine est associée à une diminution du temps nécessaire pour achever le traitement intraveineux et de la durée d’hospitalisation. Il s’agit cependant là de critères de jugement secondaire fortement impactés par l’absence d’aveugle et sur lesquels ont ne peut rien conclure. Les réadmissions à 30 jours pour insuffisance cardiaque ou diabète sont similaires entre les deux groupes) sont similaires dans les deux groupes, mais l’étude manque clairement de puissance pour permettre de conclure sur ce plan là. Il n’y a pas de signal de sécurité concernant les hypoglycémies ou les acidocétoses.

Ce résultat est en accord avec les études précédentes sur le rôle diurétique des gliflozines à la phase aiguë de l’insuffisance cardiaque, qui n’ont pas retrouvé de bénéfice pour faciliter la décongestion. Chez le sujet sain, on sait déjà que l’association gliflozine + diurétique de l’anse ne fait pas mieux qu’un diurétique de l’anse seul à court terme. L’absence d’aveugle, compte tenu du critère de jugement principal, est de toute façon problématique et n’aurait pas permis de conclure même en cas de positivité. En outre, le critère de jugement, similaire à celui de DAPA-RESIST, est assez discutable : le but du traitement n’est pas d’améliorer la sensibilité au furosémide (comme s’il s’agissait d’un traitement toxique dont il fallait limiter le dosage) mais de faciliter la décongestion. De sorte que l’évolution pondérale, l’amélioration de la congestion ou la durée d’hospitalisation sont probablement des critères plus pertinents. En l’état actuel des données publiées, et compte tenu des site et mécanisme d’action, l’acétazolamide est probablement un meilleur choix pour lutter contre la résistance aux diurétiques que les gliflozines, mais seule une étude en aveugle comparant gliflozine et acétazolamide sur un critère clinique pertinent permettrait de trancher la question. Le point positif, c’est que cette étude vient confirmer que l’initiation rapide d’une gliflozine, même chez un patient décompensé, dans un optique de traitement de fond de l’IC, ne semble pas poser de problème.

PUSH-AHF : traitement diurétique adapté selon la natriurèse

La présence d’une congestion résiduelle au décours d’une insuffisance cardiaque aiguë est associée à un risque accru de mortalité et de réhospitalisation, mais surveiller et adapter de manière fiable le traitement diurétique est complexe en pratique clinique. On utilise en général la perte de poids et/ou la diurèse de 24 heures, mais leur fiabilité en pratique clinique quotidienne est parfois discutable. En outre, elles imposent d’attendre au moins 24 heures après le début du traitement pour l’évaluer et le modifier. Les recommandations de l’ESC de 2021 proposaient d’utiliser la natriurèse à la deuxième heure pour guider la prise en charge diurétique, en précisant qu’il s’agissait alors d’un avis d’expert, en l’absence d’études randomisées.

protocole d’adaptation du traitement selon la natriurèse au cours des 24 premières heures

L’essai PUSH-AHF est un essai randomisé institutionnel, en ouvert, visant à évaluer l’efficacité d’un traitement diurétique par bolus intraveineux toutes les 12 heures guidé par la natriurèse en comparaison de la prise en charge habituelle. Se voulant pragmatique et afin d’être représentatif d’une population d’insuffisance cardiaque tout-venant, tout patient ayant une IC clinique requérant un traitement intraveineux pouvait être inclus, sans critère d’inclusion ou d’exclusion basés sur la FEVG ou le NT-proBNP. Les médecins et investigateurs n’avaient pas accès aux natriurèses du groupe « prise en charge conventionnelle ». L’étude débutait dès la première administration hospitalière de diurétique, y compris aux urgences. Un protocole précis d’adaptation du traitement était proposé pour les 36 premières heures de prise en charge pour le bras « natriurèse », sur la base du taux de sodium urinaire recueilli à 2, 6, 12, 18, 24 et 36 heures (une natriurèse inférieure à 70 mmol/l ou une diurèse inférieure à 150 ml/h étant considérées comme insuffisantes), tandis que l’adaptation dans l’autre groupe était laissée à la discrétion du médecin.

310 patients ont été inclus (âge médian 74 ans, 45% de femmes). Le NT-proBNP médian à l’inclusion est à 4.700 pg/ml, la FEVG de 35%. 57% des patients étaient sous diurétique à domicile, à la dose médiane de 2 mg de bumétanide (je rappelle qu’1 mg de bumetanide équivaut à 40 mg de furosémide) ; 44% des patients étaient pris en charge pour une décompensation cardiaque inaugurale. Dans le groupe « natriurèse », la dose de diurétique de l’anse administrée est supérieure (dose totale 26 mg vs 15 mg de bumetanide, dont 12 mg vs 6 mg dans les premières 24 heures et 16 mg vs 8 mg dans les premières 36 heures) et le recours à un blocage néphronique séquentiel plus fréquent (21% vs 0% dans les premières 24 heures, par HTZ dans l’immense majorité des cas).

L’étude avait deux co-critères de jugement primaires (p<0,025 pour chacun étant considéré comme statistiquement significatif) : la natriurèse sur 24 heures, et le délai de survenu d’un décès toutes causes ou d’une hospitalisation pour IC dans les 180 jours suivant la sortie de l’hôpital. La natriurèse totale est significativement supérieure dans le groupe « natriurèse » (409 vs 345 mmol ; p=0,006). La natriurèse en 24h, y compris dans le groupe « standard », est supérieure à celle obtenue en 48 heures dans ADVOR, évidement parce que les patients sont différents avec notamment une résistance aux diurétiques plus grande dans ADVOR, mais aussi par ce que les doses de diurétiques sont bien plus importantes dans PUSH-AHF (3 mg d’équivalent bumétanide en 24h dans ADVOR, contre 6 mg rien que dans le groupe contrôle de PUSH-AHF). Ces hautes doses de diurétiques dans le bras contrôle (l’effet Hawthorne a probablement joué son rôle) n’ont pas empêché de dégager un bénéfice sur la natriurèse, qui serait probablement plus important « en vie réelle » compte tenu des réticences parfois observées à utiliser de fortes doses de diurétiques. En revanche, il n’y a pas de différence pour les évènements cliniques dans les 180 jours suivant l’hospitalisation (31% vs 31% ; HR 0,92 ; IC95% 0,62–1,38 ; p=0,6980). Bien que la diurèse soit plus importante dans le groupe « natriurèse », il n’y a pas de différence de durée d’hospitalisation (6 vs 7 jours) ni dans les variations de NT-proBNP (-22% vs -18% à 48 heures). Les bénéfices en termes de diurèse et de natriurèse s’estompent après 72 heures de prise en charge, en rappelant que le protocole étudié ne portait que sur les 36 premières heures de prise en charge. Il n’y a aucune différence en termes d’évènements indésirables, notamment pas plus de dysfonction rénale dans le groupe « natriurèse ».

PUSH-AHF démontre qu’un algorithme de traitement diurétique basé sur la natriurèse permet d’augmenter… la natriurèse. Cela peut sembler évident, mais encore fallait-il le démontrer, alors que le traitement diurétique reste largement basé sur des opinions d’expert et la cuisine du prescripteur, plus ou moins soupoudrée de bases physiopathologiques. Cependant, la natriurèse n’est qu’un critère intermédiaire biologique, qui ne donne aucune preuve de l’efficacité clinique de la prise en charge, même si dans une analyse post-hoc d’ADVOR, une natriurèse plus importante était associée à une meilleure décongestion et un séjour hospitalier plus court. La démonstration de cette efficacité doit être faite sur des critères cliniques, au minimum sur la congestion ; le poids est le critère le plus simple, mais il serait plus juste d’utiliser une évaluation globale par un score de congestion comme dans ADVOR. Le plus pertinent est cependant de démontrer que la prise en charge améliore le pronostic des patients. Ainsi, l’un des critère de jugement dans ADVOR, était la durée du séjour hospitalier. Une diminution des évènements au cours du séjour serait l’idéal, tout particulièrement la baisse de la mortalité, mais nécessiterait probablement une cohorte importante. Dans sa présentation lors du congrès de l’ESC 2023, J. Te Maarten mentionne une baisse des décès intrahospitaliers dans le groupe « natriurèse » (1 vs 14) ; je n’ai pas retrouvé cette donnée dans la publication, et il ne s’agit de toute façon que d’une analyse exploratoire, non préspécifiée, et soumise à l’aléa statistique.

A l’opposé, évaluer l’efficacité du traitement diurétique sur les évènements cliniques à 6 mois de l’hospitalisation me semble peu pertinent voire contre-productif. En effet, à l’état stable, le traitement diurétique peut parfois être interrompu. Physiopathologiquement, j’ai du mal à envisager qu’un traitement diurétique aigu puisse influencer le pronostic à 6 mois, surtout que PUSH-AHF étudie un traitement de 36 heures. Beaucoup plus pertinente serait l’analyse de l’évolution des évènements cliniques au cours des premières semaines après hospitalisation. On sait que la congestion résiduelle en sortie d’hospitalisation est un marqueur pronostic de réhospitalisation dans les semaines qui suivent. Un traitement diurétique plus efficace, augmentant la probabilité de décongestion complète, pourrait permettre de diminuer les évènements cliniques, notamment les réhospitalisation, au cours des premières semaines. Les courbes de survie de PUSH-AHF semblent en tout cas aller dans le sens d’une telle hypothèse qui nécessite évidement une confirmation dans un essai randomisé.

En tout cas, on peut au moins dire que le traitement diurétique guidé par la natriurèse n’aggrave pas le pronostic à 6 mois. En outre, l’utilisation de forte doses de diurétique de l’anse (l’équivalent de 500 mg dans furosémide en 24h dans le bras « natriurèse ») ne s’accompagne pas non plus d’effet secondaire clinique ou biologique. Cela confirme, comme je l’évoquais plus haut dans l’étude DICTATE-HF, que l’objectif d’un blocage néphronique séquentiel n’est pas de diminuer la dose de diurétique de l’anse, mais d’en augmenter l’efficacité, afin de majorer la natriurèse et surtout in fine améliorer le pronostic du patient. La natriurèse normalisée sur la dose de diurétique n’est pas un critère d’efficacité du traitement diurétique mais un reflet de la résistance au diurétique. Le but n’est pas de l’augmenter per se mais, si elle augmente, alors il y a des chances que le traitement diurétique fonctionne mieux. Au même titre que le but du traitement de fond de l’IC n’est pas de faire baisser le BNP, mais ce taux baissera si la prise en charge est efficace.

Conclusion

Il est heureux qu’arrivent enfin des études randomisées se penchant sur la prise en charge diurétique de l’insuffisance cardiaque aiguë. Même neutres, toutes les études sont bonnes à prendre pour mieux cerner les stratégies les plus efficaces. Il faudrait uniformiser les critères de jugements afin d’assurer une meilleure comparabilité des études, et être certains que l’on parle tous de la même chose.

Le point négatif est évidemment que toutes ces études portent sur des populations hospitalières, et que la reproductibilité en ambulatoire est pour le moins aléatoire. Le protocole de PUSH-AHF en particulier est évidemment irréalisable en ville : impossible d’assurer un recueil d’urine dans les 2 heures suivant l’initiation du traitement, ce qui n’aurait d’ailleurs pas forcément de sens avec un traitement oral. A titre personnel, lorsque je revois les patients pour évaluer la décongestion quelques jours après l’initiation du traitement, je base ma réflexion – outre l’état clinique congestif – sur la natriurèse et sur la fraction d’excrétion du sodium qui me donne une idée de l’avidité rénale et de la résistance au diurétiques. Ca reste de la cuisine… avec du sel.

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